Démystification du "crac" chez les ostéopathes
- Antoine Aumoine
- 23 avr.
- 2 min de lecture
Le Craquement en Ostéopathie : Approche Biomécanique et Neurophysiologique
Lors d'une séance d'ostéopathie, il arrive que certaines manipulations articulaires produisent un bruit sec, souvent interprété comme un "craquement". Ce phénomène est source de nombreuses interrogations, tant chez les patients que chez certains praticiens. Il est pourtant bien connu et expliqué par la biomécanique articulaire et la physique des fluides.
Démystification : ce n’est pas un os qui "se remet en place"
Contrairement à une idée répandue, le craquement ne résulte pas du déplacement ou du "repositionnement" d’un os. Ce n’est pas une subluxation corrigée, ni un "réajustement" osseux. Les structures osseuses ne se déplacent pas spontanément au point d’exiger une remise en place. Ce qui est visé, c’est une restauration de la mobilité articulaire fonctionnelle, souvent entravée par des limitations capsulaires, ligamentaires ou musculaires.
Cavitation : un phénomène physico-chimique
L’explication du bruit observé lors des manipulations s’appuie sur le phénomène de cavitation. Ce terme désigne l'apparition de cavités gazeuses dans un liquide soumis à une baisse brutale de pression.
Dans le cas d’une articulation synoviale :
Deux surfaces articulaires sont séparées par du liquide synovial contenant du gaz dissous (principalement du dioxyde de carbone).
Lorsqu’une traction rapide (manipulation de haute vélocité et faible amplitude - HVLA) est appliquée, cela engendre une chute de pression intra-articulaire.
Cette baisse de pression entraîne la formation de bulles gazeuses qui implosent ou se réorganisent rapidement, produisant le bruit caractéristique du craquement.
Ce phénomène a été visualisé pour la première fois en 2015 par Kawchuk et al. à l’aide de l’imagerie par résonance magnétique (IRM dynamique), confirmant que le bruit est lié à l’apparition de cavités gazeuses, et non à leur disparition.
Conséquences biomécaniques
Les manipulations articulaires n'ont pas uniquement pour effet de produire ce bruit. Leur objectif est de :
Restaurer une mobilité articulaire altérée (hypomobilité)
Diminuer les tensions capsulaires et ligamentaires
Libérer d’éventuelles adhérences intra-articulaires
Relâcher les tensions musculaires réflexes ou adaptatives
Il est important de noter qu’un gain de mobilité peut être obtenu sans aucun bruit. Le craquement n’est ni un critère de réussite ni un but en soi.
Effets neurophysiologiques
Outre l’aspect mécanique, la manipulation articulaire peut déclencher une série de réponses neurophysiologiques, notamment :
Une modulation de la douleur via les voies inhibitrices descendantes (effet antalgique immédiat)
Une modification du tonus musculaire local (par voie réflexe)
Une amélioration de la proprioception articulaire
Ces effets participent à la sensation de soulagement ou de "libération" souvent décrite par les patients après une manipulation, même en l'absence de cavitation.

Bibliographie
Kawchuk, G. N., Fryer, G., Jaremko, J. L., Zeng, H., Rowe, L., & Thompson, R. (2015). Real-Time Visualization of Joint Cavitation. PLoS ONE, 10(4), e0119470. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0119470
Evans, D. W., Lucas, N., & Bishop, A. (2010). What is the effectiveness of osteopathic manipulation in reducing pain and disability in patients with musculoskeletal disorders? International Journal of Osteopathic Medicine, 13(3), 123–135.
Herzog, W. (2010). The biomechanics of spinal manipulation. Journal of Bodywork and Movement Therapies, 14(3), 280–286.
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